I.

Il s’appelait Elvire et on ne pouvait pas nier que de sa minuscule personne émanait une classe sans failles. Sa façon d’observer les choses avec cette impassibilité malgré ses grands yeux expressifs avait toujours impressionné Bonnie. Sa démarche distinguée témoignait que le damoiseau ne sortait pas de nulle part, non madame, il faisait partie de la haute, de « l’élite », comme se plaisait à ironiser Hugo. À ces remarques acerbes, Elvire répondait d’un mouvement de tête dédaigneux, comme pour faire comprendre qu’il ne pouvait pas être affecté par des réflexions semblables. On ne touche pas l’intouchable, on l’effleure, c’est bien connu. Dicton populaire ou non, cela n’empêchait pas Hugo de menacer Elvire de lui arracher les plumes ou de lui faire avaler son bec. Quel volatile exceptionnel ! Bonnie l’adorait. Il était arrivé dans la famille à l’aube de ses six ans, un beau matin de printemps. La pauvre bête, le bec aplati contre la fenêtre de la cuisine, n’avait probablement pas prêté attention au double vitrage qui composait celle-ci. Tant pis ! L’aile défaillante, le volatile n’avait su poursuivre son bout de chemin et il fut décidé qu’il resterait dans la famille. « C’est totalement idiot, comme nom », avait ricané Hugo quand sa sœur cadette s’était écriée qu’elle le nommerait Elvire. « C’est toi qui idiot, et puis, sors de ma chambre ! » C’était toujours comme ça chez les Fletcher. Hugo, le fils aîné de Mr & Mrs Fletcher, s’était toujours trouvé un certain côté mégalo couronné d’un orgueil outrancier. Cela n’avait étonné personne dans la famille en apprenant que Serpentard l’avait accueilli à bras ouverts.

II.

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III.

La tante Doris avait débarqué le samedi matin avec tous ses chaudrons, ses balais et ses fanfaronneries habituelles, bref, tout ce dont Mr. Fletcher avait horreur. Bonnie était très heureuse à l’idée de l’accueillir, cela lui semblait une éternité qu’elle n’avait plus tenu une de ces conversations vives et excitantes avec sa tante Doris. Des voyages, des romances inattendues, des odyssées trépidantes… Du haut de ses quarante ans tout rond, Doris semblait avoir vécu toutes les aventures qui pouvaient s’offrir à une seule vie. Elle connaissait les mots exacts pour distribuer du rêve. « Mais, enfin, Patty, je me demande pourquoi tu n’utilises toujours pas de balai au lieu de traîner cet engin de malheur partout avec toi ! C’est incroyable » fit Doris à l’intention de sa sœur alors qu’elle claquait la portière de la petite voiture de Mrs Fletcher. Cette dernière roula des yeux, visiblement exaspérée. Ce n’était pas la première fois que Doris lui faisait la remarque. Elle ne comprendrait sans doute jamais qu’elle avait décidé une vie ‘‘normale’’. Et sincèrement, Bonnie non plus. Après tout, pourquoi troquer une existence de mille délices et pleines de surprises contre une autre d’une banalité et d’un ennui morbide ? À ceci, on ne pouvait coller qu’une étiquette : l’amour que Mrs Fletcher portait à son mari. Oui, l’amour faisait faire bien des choses, des choses que Bonnie ne pouvait pas encore comprendre étant donné son jeune âge. « Mais bon ! J’ai des tonnes de choses nouvelles à vous raconter ! » Cela ne pouvait être que la vérité, au vue du bronzage éclatant qu’arborait fièrement Doris. « Mais avant… » Bonnie senti alors le regard ardent de sa tante sur elle, le même qu’elle prenait toujours lorsqu’elle était sur le point de conter une de ses fabuleuses histoires. « As-tu reçu ta lettre pour Poudlard ? » Un malaise s’installa soudainement.